Relectures de l’Histoire

PALAIS DE TOKYO, Paris, Février-Mai 2018

Réaction de l’office de tourisme de Vienne suite au refus de régies publicitaires d’afficher des nus de Schiele_Neil Beloufa_palais de Tokyo_2 mars 2018

« L’ennemi de mon ennemi », proposition de Neïl Beloufa dans le cadre de la « saison Discorde », au palais de Tokyo, constitue une belle plongée dans l’Histoire, la façon dont elle s’écrit et dont se légitiment les pouvoirs économique, politique, militaire, artistique, médiatique. Une exposition de celles qui donnent à penser plus qu’à contempler, tant la présence de quelques œuvres remarquables d’Hirschhorn, Courbet, Picasso, Büttner, Tchaïkov… s’efface devant la multitude d’artefacts et dispositifs conçus par l’artiste. Elle interroge également la place de l’artiste dans ce contexte entre désir d’autonomie, servitude et propagande. Le dispositif d’ensemble, mouvant, perturbe les associations et significations, pointant la complexité du réel, soulevant maintes réflexions sans imposer de discours ou de solution univoques. Une expérience tout à fait intéressante, chaotique et « ouverte », au sens d’Umberto Eco.

Quant à « l’un et l’autre », l’exposition à deux voix de Jean Jacques Lebel et Kader Attia, il s’agit là aussi d’un propos engagé, sondant et mettant en question le réel. A travers des installations (« the culture of fear », de Kader Attia, « poison soluble », de Lebel), des objets polysémiques et énigmatiques, des textes d’écrivains et poètes (Artaud, Césaire, Fanon, Primo Levi…), les artistes interrogent la fabrication de l’Autre (Satan, le sauvage, le terroriste), la persistance de la violence et de la torture et manifestent un désir de révolte, de résistance, une prise de position éthique voire politique. Dans sa bibliothèque, Attia perturbe les classifications traditionnelles et mêle représentations contemporaines et celles de l’époque coloniale, montrant que la peur de l’Autre est avant tout une construction idéologique, une façon de contrôler la population. Ils rejettent par ailleurs l’hypothèse d’une hiérarchie en art, montrant la beauté et l’innovation formelle d’objets a priori usuels tels les tapas (cache-sexes) de certaines tribus ou encore la beauté de la « blessure », de la réparation, voire de la difformité, que la modernité tend pourtant à effacer, déniant ainsi le passage du temps.

A noter également une impressionnante installation d’Anita Molinero, une proposition intéressante de Marianne Mispelaëre, interrogeant les présences en creux dans le vide, présences de monuments détruits dont ne restent que des récits ou encore la série de dessins épurés et néanmoins d’une grande efficacité visuelle que Massinissa Selmani consacre à une figure de l’anarchisme déportée en Nouvelle Calédonie suite à la Commune de Paris.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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