
DIVERS LIEUX, Arles, Juillet-Septembre 2010
Très belle scénographie de l’exposition I am a cliché consacrée à l’esthétique punk, de Warhol à Wolfgang Tillmans, en passant par les portraits de Patti Smith par Mapplethorpe, Dan Graham, les paysages urbains désolés de Peter Hujar, les corps saisis sur scène de Bruce Conner, Dennis Morris…tout cela en musique (punk, bien sûr) et il en émane une énergie absolument stimulante, même à 36° à l’ombre ! Une énergie qui séduit toujours nombre d’artistes par son esthétique marginale, sombre, mélange d’humour noir et de subversion, de récupération et de détournement, comme en témoigne la sélection proposée par Emma Lavigne. Mike Keller, fondateur d’un groupe punk, observe :
Les Sex Pistols étaient un mécanisme d’attraction/répulsion doué d’une puissance infernale qui permettait de passer à l’action.
Une proposition magistralement complétée par la première exposition qui retrace la carrière de Mick Jagger, artiste le plus photographié, sous le regard des plus grands portraitistes. Une histoire du portrait photographique depuis les années 1960 à nos jours sous le prisme d’un modèle unique.
L’exposition Shoot s’intéresse quant à elle au tir photographique, pratique née dans l’entre-deux guerres dans les fêtes foraines et qui consiste à déclencher un appareil photographique lorsqu’on atteint la cible en un singulier parallèle entre le tir et la prise de vue photographique que l’on retrouve dans le vocabulaire photographique. On peut notamment y visionner la fascinante installation video crossfire, 2007, de Christian Marclay, qui fait de nous la cible de coups de feu issus de films hollywoodiens iconiques de Quentin Tarantino (Pulp Fiction), Brian De Palma (Scarface), John Woo (A Bullet in the Head) et James Cameron (Terminator) remarquablement montés, répétés sur des écrans alternés pour créer un mouvement dynamique. L’artiste interroge la violence et la fascination pour les armes à feu tout en immergeant, en emmurant visuellement et acoustiquement le spectateur, via une installation vidéo constituée de quatre écrans, dans une expérience hypnotique, au rythme incroyablement maîtrisé, où l’on vit littéralement le chargement des armes, la tension, les tirs croisés…
En dehors de cela, pas de grandes surprises cette année, juste quelques bons moments : Mario Giacomelli, Peter Klasen, Ernst Haas, Paolo Woods, Lea Golda Holterman, la collection Karmitz, l’accrochage-architecture très poétique proposé par Patrick Bouchain etc.
Les photographies en noir et blanc de Mario Giacomelli se caractérisent par leur recherche graphique et plastique et fascinent par leur violent contraste, leur approche picturale, leur tendance à l’abstraction –particulièrement dans les paysages- ainsi qu’un regard tout à la fois poétique et quelque peu provocateur lorsqu’il saisit des prêtres occupés à des jeux d’enfants.
Autre artiste pratiquant la peinture et la photographie, fondateur de la Figuration narrative, Peter Klasen développe des œuvres en impression numérique sur la toile sur une thématique principalement urbaine et industrielle. « Il s’agit, [selon lui], d’une véritable investigation du réel à travers l’objectif ».
L’édition 2010 des rencontres photographiques met en exergue une partie méconnue du travail photographique d’Ernst Haas, loin de son travail en couleur, fruit de diverses commandes, publié dans la presse et objet de divers livres : des photographies plus personnelles, plus radicales, libres et ambigües.
Parmi les découvertes, la série Orthodox Eros de Lea Golda Holterman qui s’attache à l’intimité de jeunes juifs orthodoxes, sujet tout à la fois inattendu et quelque peu tabou. A travers des portraits d’une force admirable, la photographe exprime la tension latente entre l’éros, la sensualité de chaque jeune homme et son expression au-delà d’une apparence austère, tout en s’efforçant de renouveler une identité qui est aussi la sienne.
La série Walk on my eyes, de Paolo Woods, s’intéresse quant à elle à la société iranienne dans années 2005, s’efforçant lui aussi de rompre avec les stéréotypes de l’Iran de l’après Révolution islamique au travers de portraits individuels. Ceux-ci mettent en évidence la tension latente entre modernité et tradition, ambition personnelle et valeurs collectives, foi personnelle et utilisation politique de la religion…
Je voulais montrer que les Iraniens peuvent être étonnants, loufoques, audacieux, insolents et insatisfaits, et que par conséquent, ils ne constituent pas un bloc homogène comme le régime aimerait nous le faire croire.
Deux expositions collectives méritent par ailleurs le détour : une présentation de photographies de la collection du cinéaste et producteur Marin Karmitz qui mêle sans hiérarchie aucune photographie documentaire et création. Elle réunit des artistes aussi divers et remarquables que Christer Strömholm, Christian Boltanski, Antoine d’Agata, Chris Marker, Annette Messager, Abbas Kiarostami, Kertèsz, Doisneau, Brassaï, Hiroshi Sugimoto, Shirin Neshat etc. sous la forme d’ensembles ou de pièces isolées. Si les références au cinéma sont nombreuses, la plupart des photographies témoignent du regard que porte le cinéaste sur le monde, de ses préoccupations esthétiques et éthiques.
A l’occasion des dix ans de la collection l’Impensé des éditions Actes-Sud, dirigée par Patrick Bouchain et axée sur l’architecture et le paysage, ce-dernier propose une exposition-installation, entre architecture et photographie, mettant en exergue, dans un accrochage très personnel, le travail de Marin Kasimir, Cyrille Weiner, Christophe Hutin, Loïc Julienne et Julie Guiches.






















