MAISON EUROPEENNE DE LA PHOTOGRAPHIE, Paris, Septembre-Octobre 2017

Dernier jour pour découvrir le remarquable travail photographique des Poirier à la Maison Européenne de la Photographie ! Une approche tout à fait atypique du média, expérimentale et souvent sérielle, naturelle s’agissant d’artistes ne s’enfermant pas dans une technique et touchant principalement à l’installation et à la sculpture. Un travail sur la fragilité de la mémoire et sur la ruine d’un couple né dans les années 40 et marqué par la guerre. Les œuvres réalisées à Rome dans les années 1960, photogrammes de crânes évoquant des vanités, fragments d’antiques, série « Ostia antica » entre paysage mental et paysage réel, série fantomatique sur la Domus Aurea conçue également en parallèle de grandes maquettes homonymes se révèlent d’une grande efficacité visuelle, exploitent les possibilités techniques du médium : solarisation, inversion positif/négatif, flou, accident et mélanges chimiques aléatoires etc. La ruine.
Les traces de la guerre : dans les années 1970, les Poirier photographient les bâtiments détruits de Berlin, les impacts de balles, avant leur disparition sous les bulldozers ; puis, apprenant l’entrée en guerre du Cambodge de retour d’un voyage à Angkor, « l’enfer venait faire irruption dans le jardin d’Eden », ils réalisent un puissant triptyque avec « war » inscrit en lettres manuscrites rouges. Dans les années 1980, une remarquable série réalisée à partir d’agrandissements de polaroïds d’antiques travaille « la Théogonie » d’Hésiode. La ruine se fait tragique voire prémonitoire dans les années 90 à travers des images de ruines en Syrie ou à Palmyre violemment rouges car rehaussées à l’aniline. Une tonalité humoristique investit parfois leur œuvre, mais avec moins de réussite, lorsqu’il s’agit de critiquer le tourisme de masse avec des coloris excessifs.
Le tragique leur convient davantage à mes yeux, manifeste dans « les jardins noirs », installation photographique précoce particulièrement puissante par le contraste vert/noir entre les végétaux et le charbon du fond. La nature intervient de fait de manière récurrente dans leur travail, depuis leurs premiers herbiers à Rome jusqu’aux fleurs « scarifiées » de mots réalisées lors d’une résidence au Getty research Institute dans les années 90. A noter également une très belle série-autoportrait de Patrick.
Peut-être est-ce la souplesse ainsi que la rigueur de l’argentique qui nous intéressent […]. Le fait également de manipuler une surface sensible, éphémère, fragile, qui peut réagit à beaucoup de « bricolages ».

Farida Hamak_MEP, Paris_27 octobre 2017 
Nikolskaya Xenia_MEP, Paris_27 octobre 2017
La MEP accueille également quelques photographes à l’occasion de la biennale des photographes du monde arabe, tout particulièrement Farida Hamak et son travail sur la ville sahélienne Bou-Saâda, des paysages nus et minéraux, blanchis par la lumière, et la série « Dust » de Xenia Nikolskaya sur des palais égyptiens à l’abandon.Elle réunit par ailleurs un bel ensemble d’œuvres du performeur et photographe Liu Bolin, représenté à Paris par la galerie Paris-Beijing.
J’ai décidé de me fondre dans l’environnement. Certains diront que je disparais dans le paysage ; je dirais pour ma part que c’est l’environnement qui s’empare de moi.

Bolin Liu_MEP, Paris_27 octobre 2017 
Bartholomew Richard et Pablo_MEP, Paris_27 octobre 2017
Si l’exposition met en avant la réflexion critique de Bolin à l’égard de la politique et la censure, ou de la société de consommation, celui-ci s’intéresse particulièrement à la question environnementale dans ses travaux récents. Le procédé récurrent de Bolin consiste à se fondre dans un « paysage » par une forme de bodyart, de performance, et d’en garder trace sous la forme d’autoportraits photographiques. Enfin, la confrontation des travaux photographiques des Bartholomew père et fils se révèle d’une redoutable force : autoportraits sans compromis, thématiques voire compositions voisines, séries brutales par leur frontalité et leur crudité de Pablo sur l’univers de la drogue etc. A voir !

































