
MUSEE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, Octobre 2007-Janvier 2008
Le musée d’art moderne nous offre une fascinante confrontation avec le travail de la finlandaise Helene Schjerfbeck, déjà présente dans la superbe exposition Visions du Nord, en 1998, du Musée d’art moderne de la Ville de Paris mais désormais objet d’une exposition monographique.

Helene Schjerfbeck, Rue à Pont-Aven, 1883 
Helene Schjerfbeck, la Porte, 1884
Si l’artiste est passée par plusieurs approches (naturaliste, symboliste, expressionniste) et s’adonne à divers genres au cours de sa vie (paysages, natures mortes, portraits), elle refuse le romantisme national incarné par Akseli Gallen-Kallela et se marginalise –ce qu’accentue une santé fragile-. Elle se détache peu à peu des conventions pour une peinture simple et sans aspect narratif, privilégiant la méditation sur le motif (Rue à Pont-Aven), la recherche sur les formes et la lumière, -une lumière enveloppante et suggestive- (Ombre sur le mur, la Porte), des couleurs franches (Linge à sécher). Dès ses années de formation toutefois (à l’école de dessin de la société finlandaise des Beaux-arts puis dans les quelques ateliers parisiens autorisés aux femmes), Schjerfbeck dessine son propre visage, manifestement son sujet de prédilection.
Sans jamais renoncer à la figuration, Schjerfbeck n’en recourt pas moins à une certaine dématérialisation formelle et technique. Son style se caractérise par une remarquable épure, des couleurs douces aux limites floues, une lumière tamisée, une atmosphère silencieuse et le sentiment d’une suspension du temps quoique certaines toiles témoignent d’un intérêt pour l’étude du mouvement (Voleur à la porte du paradis, 1924-1925). Sa peinture semble un objet autonome et nécessaire, répondant à ses propres lois, fruit de sa mémoire et de son imagination, comme une vision transcendée du monde et de l’existence. La présence d’études au regard des toiles peintes éclaire tout à la fois le processus de création et la perception de l’artiste.

Helene Schjerfbeck, autoportrait, 1884 
Helene Schjerfbeck, autoportrait sur fond noir, 1915
Et c’est de fait dans l’autoportrait que transparaît pleinement la singularité de l’artiste qui exprime à travers lui son rapport au monde, sa souffrance, son humanité. L’exposition présente une époustouflante série d’autoportraits dont le rapprochement permet de mesurer son originalité et sa force, un regard sur elle-même intransigeant, terrible, d’une grande intensité expressive.

Helene Schjerfbeck, Autoportrait à la Palette I, 1937 
Helene Schjerfbeck, Autoportrait à la bouche noire, 1939
Schjerfbeck évolue vers une forme de plus en plus dépouillée et synthétique, un regard de plus en plus absent, des traits de plus en plus marqués au point de révéler, dans ses dernières toiles, le squelette sous-jacent en un terrifiant pressentiment de la mort. Les attributs féminins disparaissent (la chevelure châtain clair s’efface, de même que les joues colorées et la chair rosée des premiers autoportraits, les vêtements sont peu visibles), la peau blanchit et verdit. Elle se concentre alors sur la structure osseuse du visage, dépeint des orbites creusées et démesurées, des yeux enfoncés, une bouche béante dénuée de lèvres, cherchant sur son visage les signes de la maladie et de la mort.

Helene Schjerfbeck, Autoportrait de face I 1945 
Helene Schjerfbeck, Autoportrait lumière et ombre, 1945
Ses tout derniers autoportraits, d’une force redoutable, adoptent un schématisme cruel, insoutenable, un dessin anguleux, des plans découpés investis de teintes pâles (ocres, gris, noirs, verts bleutés), le visage réduit à une tête de mort exprimant l’angoisse existentielle de l’artiste comme le Cri d’un autre grand artiste scandinave et non sans écho avec le contexte de l’époque, la découvertes des camps de concentration et de ses rescapés décharnés. L’artiste anticipe là la mort comme pour l’affronter de face. Ses natures mortes font écho à cette analyse du vieillissement.



















































