Sous le regard d’Irving Penn

GRAND PALAIS, Paris, Septembre 2017-Janvier 2018

L’exposition Irving Penn au grand palais rend pleinement compte de l’envergure d’un photographe bien au-delà de la photographie de mode, même si son travail pour Vogue l’a rendu célèbre. Ce qui surprend d’emblée au vu des nombreuses séries déployées au fil du parcours d’exposition, c’est l’incroyable austérité voulue par le photographe : une mise en scène d’une grande sobriété à l’aide d’un tapis et d’un rideau de scène gris, de l’emploi récurrent d’un angle contraignant les postures des modèles tout en induisant un focus sur les visages et une amplification des expressions, d’une maîtrise de la lumière naturelle telle que les volumes acquièrent un rendu sculptural…

Loin de se limiter au portrait même si ceux qu’il a réalisés de son épouse, le modèle Lisa Fonssagrives, sont demeurés emblématiques de son œuvre, Penn aborde la nature morte, dont l’étonnante série « cigarettes », où il donne une certaine humanité sombre et belle à de vils déchets ou encore ses compositions à partir d’objets trouvés et récipients, chargés d’émotion ; le nu : un nu sciemment fragmentaire et minéral plus que sensuel malgré une représentation au scalpel du sexe féminin et pour lequel il use d’un procédé inédit : une surexposition avant blanchiment de l’image.

Le parcours témoigne également des nombreux voyages de l’artiste qui usait alors d’un studio mobile ou investissait celui d’un photographe local (Cuzco, le Bénin, Lima…) ou de son inscription dans l’histoire de l’art à travers par exemple la série des « petits métiers » commencée à Paris en 1950 (dont un étonnant « vitrier » de dos) et rappelant la tradition des « Cris de la rue » en gravure ou encore celles consacrées à des personnalités dans les années 1950-60 où il traduit en photographie les leçons de cadrages, d’éclairage et d’éloquence d’un Goya, d’un Lautrec (les remarquables portraits d’Hitchcock, Marlène Dietrich, Picasso, Dora Maar, Bacon, Dali, Richard Burton…en témoignent), la concision graphique, la singularité de la posture retenue, l’acuité psychologique, faisant alors oublier l’artifice de la pose.

Pour les amateurs de Paul Gauguin, le grand palais propose également une exposition axée sur la pluridisciplinarité de l’artiste, faisant dialoguer son œuvre peint avec son œuvre gravé, ses céramiques, ses pièces de mobilier. Peu sensible à cet artiste, j’en ai principalement retenu, dans certaines toiles, la vivacité et la chaleur de coloris, la simplification formelle quasi graphique, la tentative de retrouver une mythologie traditionnelle perdue, l’atmosphère irréelle et mystérieuse, héritées de ses séjours en Martinique, à Tahiti, aux Marquises ainsi que le mélange entre primitivisme, symbolisme, artisanat et techniques artistiques occidentales, notamment des avant-gardes contemporaines.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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