Sur les traces de Cellini & Giambologna, Firenze

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Cellini, Persée_Loggia dei Lanzi, Florence_13 juin 2019

Si le « David » de Michelangelo placé devant le Palazzo Vecchio est une copie, il n’en est rien des œuvres majeures du Cinquecento de la Loggia dei Lanzi, en particulier le « Persée » de Benvenuto Cellini -à l’exception du socle, déposé au Bargello- et « le rapt de la Sabine » de Giambologna, deux sculptures emblématiques, dans leur contorsion, leur dynamique, leur grâce, leur violence, leur multifacialité ainsi qu’une certaine affectation, du maniérisme florentin. « Persée » (1545-54), sculpté d’emblée pour la Loggia dei Lanzi, est représenté tenant la tête de Méduse qu’il vient de trancher et dont le sang engendrera son cheval ailé Pégase. L’orfèvre -dont on reconnaît l’incroyable maîtrise technique et la précision dans les statuettes de bronze qui ponctuent la base de marbre, se mesure avec la « Judith et Holopherne » de Donatello placée à l’origine en pendant et semble s’inspirer d’une statuette étrusque sur le même thème à laquelle l’artiste ajoute toutefois le corps décapité de Méduse. Il réussit par ailleurs un vrai tour de force en coulant la statue en une fois.

Le jeune héros est sculpté d’après un modèle vivant, impassible. La statue s’ouvre vers le haut, le bras gauche dressé montrant la tête tranchée, l’autre fermement armé, les muscles tendus mais dans une pose gracieuse qui laisse à penser que l’artiste a vu le « David » de Donatello. A l’opposé du « David » de Michel-Ange, il symbolise la rébellion écrasée par les Médicis. Méduse présente un admirable contraste entre la chair tendre de ses joues et les boucles plus grossières de sa chevelure de serpents, causant une certaine révulsion chez Persée. La base, d’une grande richesse, est constituée de 4 statuettes en ronde bosse placées dans des niches (les parents et frère et sœur du héros : Jupier, Danaé, Minerve et Mercure, divinités qui l’ont armé, ce que rappellent des inscriptions) et d’un remarquable relief en bronze représentant la libération d’Andromède. Elle est par ailleurs agrémentée de motifs mythologiques, héraldiques (évoquant le commanditaire : le capricorne) et de grotteschi.

Cellini Narciso ,1548 65 et en arrière-plan Apollon et Hyacinthe, le buste de Cosme 1r_Bargello, Firenze, 15 juin 2019

Cellini est par ailleurs l’auteur d’un buste en bronze du commanditaire du Persée, Cosme 1r (1545-47). Il répond cette fois à Bandinelli (qui a souhaité cette compétition) en proposant un portrait sculpté peu ressemblant mais à l’expression vivante, tendue, le regard fier et intense, ce que renforcent le pivotement de la tête et le souffle qui anime sa chevelure, à l’inverse des bustes impériaux antiques que rappellent toutefois la présence des aigles, l’armure héroïque avec une tête de Méduse -symbole militaire et divin- et le manteau.Si le bronze est probablement la technique de prédilection de Cellini, plusieurs pièces du Bargello démontrent une dextérité voisine avec le marbre. En témoignent « Apollon et Hyacinthe » (vers 1540), « Ganymède » (1548-50), inspiré d’un torse antique complété par l’artiste (bras, tête, socle…) mais dont il fait une œuvre tout à fait singulière. Le jeune berger, fils d’un roi légendaire de Troie et dont la beauté provoqua, d’après Ovide, l’amour de Jupiter qui, changé en aigle, l’enleva, est représenté nu et espiègle, ayant soustrait un aiglon qu’il tient gracieusement au-dessus de sa tête, l’aigle à ses pieds. « Narcisse » (1548-60), représenté tentant de se mirer dans l’eau, adopte quant à lui une pose des plus sensuelles, le bras gracieusement arqué, la tête délicatement inclinée.

A lire ou à relire, Benvenuto Cellini, la vita :

https://archive.org/…/vitadibenvenuto00maiegoog/page/n107

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Giambologna_L’Enlèvement des Sabines 1579-83_Loggia dei Lanzi, Firenze_13 juin 2019

Deux œuvres maîtresses de Giambologna se trouvent à Firenze, « le rapt de la Sabine », en marbre, à la Loggia dei Lanzi (1581-83), dont la postérité baroque est manifeste si l’on songe à « l’enlèvement de Prosperpine » de Bernini (1621-1622) et l’une des versions de « Mercure volant ». « Le rapt de la Sabine », indéniablement marqué par la sculpture hellénistique, marque l’apogée de la « Figura serpentinata » maniériste, aux formes dynamiques et allongées. Sculpté dans un seul bloc et constitué de l’imbrication de trois figures nues organisées par une ligne serpentine, sensuelle, et le jeu des vides et des pleins, il s’agit de la première sculpture sans aucun point de vue dominant. La sabine, enlevée par l’un des romains dressé en arc de cercle, cambré et fougueux, tandis que le second, plus âgé, est agenouillé, vaincu, semble se débattre et s’élancer dans l’espace pour échapper à l’étreinte de son ravisseur, le corps légèrement renversé esquissant une diagonale que répète la posture du second romain, la cuisse fermement tenue -empreinte de l’étreinte dans le marbre que l’on retrouvera chez Bernini-. La tension des corps est admirablement rendue par le dessin des muscles, la fermeté des chairs, sans toutefois qu’aucun des corps ne déborde l’espace de la base. Une œuvre de toute beauté, dont la puissance se retrouve dans « Hercule en lutte contre le centaure » (1594-99) située à proximité, quoique cette-dernière annonce déjà le baroque, le mouvement primant sur l’élégance maniérée.

Giambologna, Firenze vittoriosa su Pisa, 1575 80_Museo del Bargello_Firenze_15 juin 2019

Le Bargello conserve par ailleurs l’une des versions du « Mercure volant » de l’artiste, réalisée pour une fontaine de la villa Médicis à Rome, présenté à proximité de son « Bacco », également de bronze, qui présente une posture voisine. Mercure, le messager des dieux, identifiable par son traditionnel caducée et son pétase malgré sa nudité, le bras droit levé vers le ciel, fin et élégant, semble en équilibre précaire, comme flottant, la pointe du pied gauche posée sur la tête du dieu des vents. Il incarne, dans son invraisemblable grâce et la tension, la dynamique, de ses membres (la jambe gauche est tendue comme le bras droit, tandis que la jambe droite et le bras gauche sont sinon repliés, du moins relâchés), le vol, invitant par ailleurs le spectateur à le regarder sous tous ses angles dans une démarche tout à fait maniériste. Giambologna a réalisé d’autres statues conçues pour des fontaines de jardin, également exposées au Bargello, telles que le monumental « Océan » (1572-76), en marbre, réalisé pour Boboli ; « Bacco » (1560, bronze), l’un des premiers bronzes monumentaux du sculpteur, les putti ornementaux pour les fontaines du jardin del Casino di San Marco (1561-62), certains des Uccelli réalisés pour la grotta de la villa Medici de Castello, d’une remarquable spontanéité, ou encore l’impressionnant modèle de l’Apennin, incarné par un colosse taillé dans la roche dont il semble émerger, la barbe et les cheveux constitués de stucs imitant la boue, les algues et les stalactites, animé d’un ingénieux complexe hydraulique réalisé par Buontalenti, en surplomb d’un bassin, réalisé pour Pratolino et qui témoigne du goût pour les grottes et artifices au XVIe siècle.

Le Bargello conserve enfin des allégories de « l’Architecture » (1570) et de « Florence triomphant de Pise » (vers 1575), commandé en pendant à la « Victoire » de Michelangelo (Palazzo Vecchio) dont elle reprend la forme pyramidale. Le groupe pose un défi au sculpteur : unir deux statues en une seule action, la lumière et l’espace jouant entre les formes. On peut pour finir admirer une autre œuvre particulièrement politique de l’artiste, le portrait équestre en bronze de Cosimo I, idéalisé, inspiré du Marc Aurèle de Rome, sur la piazza della Signoria (1587-94)

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