Tate Britain, London

Turner, Peace, burial at sea, 1842_Tate Britain, London_12 août 2017

Une navette permet de gagner rapidement la Tate Britain depuis la Tate Modern par la Tamise. Celle-ci, exclusivement consacrée à l’art britannique, reflète son histoire et donc une émergence tardive au XVIIIe siècle avec des peintres tels que Gainsborough, Reynolds, Hogarth, Ramsay, Stubbs, Zoffany, Fuseli, Blake puis Turner et Constable. Du portrait de cour ou de la noblesse parfois œuvre d’artistes étrangers (Mytens, Van Dyck, Bower) à la « conversation piece », du romantisme noir (Fuseli, Blake) aux préraphaélites (Rossetti, Burne-Jones).

L’œuvre de Turner est particulièrement bien représentée grâce au legs par l’artiste de quelque 300 toiles et de nombreuses esquisses et aquarelles. Cet ensemble permet de suivre l’évolution de l’artiste d’une peinture assez réaliste et traditionnelle à un travail de la lumière et des effets atmosphériques précurseurs –avec les études de nuages de Constable étonnants dans leur compréhension de la structure et du mouvement des nuages- de l’impressionnisme.

Une toile comme Peace Burial at Sea, 1842, est un hommage au peintre David Wilkie, décédé au large de Gibraltar un an avant, de retour de Terre Sainte, dans une superbe palette froide et de noirs saturés. Elle exprime l’harmonie dans laquelle Wilkie a vécu et représente son enterrement en mer tandis que son pendant, War, the exile and the rock Limpet, dépeint Napoléon exilé à ste Hélène, debout sur un ciel sanglant et évoque un ami de Wilkie, Haydon, exilé professionnellement à cause de son égoïsme, de sa paranoïa. Turner privilégie l’évocation des deux concepts, la Guerre et la Paix par la couleur plutôt que par la représentation d’évènements réels, anticipant de plus en plus l’abstraction, d’où l’incroyable modernité de ce type de toiles.

Henry Moor_ Tate Britain, London_12 août 2017 Henry Moore

Le XXe siècle est également présent avec un remarquable espace consacré à la sculpture moderniste et à la limite de l’abstraction de Henry Moore, quelques Bacon et Nicholson. Les pièces de Moore, entre figuration et abstraction, plein et vide, adoptent une représentation stylisée de la forme humaine, un certain primitivisme teinté de biomorphisme, par exemple dans sa Reclining figure (1923-24), femme allongée aux formes douces mais quasiment abstraites, la « distorsion de la forme [visant à] la faire coïncider avec l’espace (H Moore)

L’époustouflant triptyque « trois études de figures au pied d’une crucifixion », peint par Bacon en 1944, est sans doute l’une des œuvres qui révèle l’artiste sur la scène artistique et scandalise lors de son exposition à Londres en 1945. Bacon y représente les Erinyes : sur le panneau de gauche, une figure recroquevillée sur un piédestal, le dos arrondi, au centre, une figure aux allures d’oiseau la face partiellement voilée, la bouche hurlante -inspiré de la Pythie de Delphes dont on bandait les yeux pour qu’elle invoque les esprits et de l’un des bandeaux du retable d’Issenheim de Grünewald-, sur le panneau de droite, une figure animale et unijambiste hurle, le cou tendu à l’horizontal. L’artiste ne peint par une action violente mais l’effet de la violence sur l’homme, une expression hybride du tragique, de l’horreur –peut-être l’horreur nazie-, ses figures monstrueuses évoquant la haine, la voracité, le cauchemar. Le thème religieux (la Crucifixion) devient métaphore de la souffrance humaine. Cette œuvre terrifiante quoique sublimée et unifiée par la qualité et l’intensité de la palette –la monochromie rouge-orange du fond qui détache les figures sur le devant de la toile, annonce ses triptyques ultérieurs.

Malgré quelques belles surprises, dont une remarquable installation temporaire de Ceryth Wyn Evans dans le hall, l’ensemble m’a semblé assez modeste.

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