Tate Modern, London

Bruce Nauman VIOLINS VIOLENCE SILENCE 1981 82

Une seconde visite dans les collections permanentes de la Tate Modern m’a semblé plus convaincante que la première. Si l’espace architectural de l’ancienne centrale électrique reconvertie par Herzog et Meuron est assez impressionnant et offre un panorama remarquable sur la ville, il n’en demeure pas moins quelque peu écrasant au regard des œuvres. Les espaces de circulations et le vide l’emportent excessivement sur les espaces d’exposition. En outre, la collection d’art moderne et contemporain issue de la Tate Britain m’a semblé, à nouveau, beaucoup plus pauvre que celle du Centre Pompidou en dépit d’une échelle comparable (plus de 100 000 œuvres conservées par le musée parisien, même si une toute petite partie est exposée, près de 78 000 dans le musée londonien), sans doute parce que l’espace d’exposition est plus restreint.

Quoiqu’il en soit, avec, par-delà l’exposition temporaire dédiée au travail d’Olafur Eliasson, un focus sur la « Ballad of sexual dependency » de Nan Goldin -une série de photographies et un diaporama consacrée au cercle que fréquentait la photographe dans les années 70-80 à New York, « the struggle in relationships between intimacy and autonomy…and what makes coupling so difficult »- et un autre sur les toiles réalisées par Rothko à la fin des années 1950 pour le Four seasons restaurant de New York mais que l’artiste décida finalement de proposer au musée londonien, le musée mérite actuellement le détour. Une série de toiles des plus sombres voire oppressantes, dans les tons de rouge sombre, de noir et de brun, installées dans une pièce compacte et faiblement éclairée selon la volonté de Rothko et marquée manifestement par l’œuvre de Michelangelo à la Laurentienne dont il dit : Michelangelo « achieved just the kind of feeling I’m after – he makes the viewers feel that they are trapped in a room where all the doors and windows are bricked up, so that all they can do is butt their heads forever against the wall ».

Du côté des espaces thématiques j’ai également relevé de belles surprises, qu’il s’agisse -parmi les avants-gardes du début du XXe-, de toiles de Dali, Morandi, Modigliani ou Mondrian voisinant avec l’impressionnante sculpture du futuriste Boccioni, « unique forms of continuity in space”, 1913, figure déformée par la vitesse, ou des espaces consacrés aux avants-gardes des années 1960 telles que le minimal art (« last ladder » de Carl Andre, 1959, la « structure with 3 towers » de Sol Lewitt, 1986, quant à elle puissamment évoquée, inversée, par l’artiste contemporain coréen Haegue Yang), l’arte povera (Penone), l’anti-forme (E Hesse), Beuys (deux installations tardives : « lightening with stag in its glare », 1958-85 et « the end of the XXth century », 1983-85, réalisée en prolongement de la plantation de 7000 chênes ponctués chacun d’une pierre de basalte à Cassel et présentant des blocs de basalte –roche volcanique, chargée d’énergie selon l’artiste- au sol. Sur chaque bloc, l’artiste a ménagé une cavité où il a inséré de l’argile et du feutre, exprimant l’idée de blessure et de renouveau).

Gerhard Richter

Une salle entière est consacrée à l’un des grands peintres contemporains : Gerhard Richter, et ses six toiles intitulées d’après le compositeur John Cage, qu’il écoutait pendant la réalisation de la série. Chaque toile, née de l’accumulation et de l’effacement de plusieurs couches de peinture, constitue une sorte de palimpseste mêlant fluidité et dense matérialité, délicatesse et rugosité, peinture sous-jacente et peinture affleurant.La contemporanéité artistique britannique est également présente avec une œuvre de Kapoor (« Ishi’s light », 2003), un moulage de son corps en plomb de Gormley, des sculptures de Deacon ou encore l’étonnante « British Library » de l’artiste d’origine nigérienne Yinka Shonibare, symbole de l’impact de l’immigration sur la culture britannique…

William Kentridge
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