MUSEE BOURDELLE, Paris, Octobre 2018 – Février 2019

Par-delà leur discipline, la sculpture, qu’ont en commun Germaine Richier, Alberto Giacometti, Bänninger (époux de Richier), Toussaint, Woermann, Gutfreund, Hadju ? Ils sont tous passés par l’atelier d’Antoine Bourdelle. Transmission, transgression…se concentre sur les rapports entre maître et élève, artiste et praticien au sein des ateliers de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, tout en mettant en exergue le caractère collectif de nombre de sculptures par le jeu des techniques (mise aux points de la pierre ou du marbre –plus fréquente et plus précise que la taille directe-, fonte du bronze…) qui fait que la terre modelée souvent détruite lors de son moulage en plâtre est parfois la seule œuvre véritablement de la main de l’artiste. L’exposition donne à voir plusieurs états de « Vierge à l’offrande », 1920, en plâtre, en pierre mise aux points puis en marbre, ainsi que le matériel et les outils (massette, pointe, gradine, rondelle) de mise aux points.

Elle s’intéresse tout d’abord à l’élève Bourdelle, au sein de l’atelier d’Alexandre Falguière (« tête de Christ », 1885), auprès de Jules Dalou puis en tant que patricien d’Auguste Rodin (« Eve au rocher », 1881-1907, « Rose Beuret », 1902-1903), trois figures majeures dont il se détache toutefois afin de trouver sa propre identité artistique. Dès le début du XXe siècle, l’artiste s’entoure à son tour de praticiens et élèves français et étrangers afin de réaliser ses premières commandes (reliefs du théâtre des Champs Elysées de Perret, divers monuments).
Il se découvre par ailleurs un goût et un talent pour l’enseignement, poussant toujours ses élèves à se révéler eux-mêmes, à rechercher leur propre expression plastique, tout en leur transmettant les bases du dessin et de la sculpture en insistant sur l’analyse du corps, d’après modèle, et la construction. Si certains de ses élèves poursuivront dans la veine du maître, d’autres seront marqués par le cubisme (Otto Gutfreund, « Hamlet », 1911, « violoncelliste », 1912) ou l’art épuré et sensuel d’un Brancusi et d’un Arp, entre abstraction et figuration (Etienne Hadju, « tête », 1960).Parmi ces élèves, deux artistes d’une incroyable force et singularité se distingueront : Germaine Richier et Alberto Giacometti. L’exposition les met en dialogue par un impressionnant regroupement de pièces particulièrement de Richier qui sonde l’animalité dans l’homme : un inquiétant buste sans traits ni regard, « buste n°12 », 1933-1934, « la feuille », 1948, l’impressionnant « Christ d’Assy » totalement décharné, 1950, « le griffu », 1952, le terrifiant « berger des Langes », 1951, au visage troué, inspiré de galets ramassés sur une plage, planté sur des échasses. L’artiste semble pousser à son terme la pensée de Bourdelle sur le plein et le vide, l’œuvre étant parfois construite sur une béance centrale radicale.
…ce qui caractérise une sculpture, c’est la manière dont on renonce à la forme solide et pleine. […] Les trous, les perforations éclairent la matière qui devient organique et ouverte ; ils sont partout présents, et c’est par là que la lumière passe.
De Giacometti, outre une belle « femme de Venise » de 1956, sont présentés quelques bustes et dessins. Certains élèves sont également des modèles, ce dont témoigne une admirable série de bustes féminins : « la Roumaine » (Fanny Moscovici », 1927), « la Chilienne » (Henriette Petit, tête, 1921), « l’Allemande » (Hedwig Woermann, « torse », 1900), « l’anglaise » (Audrey James, étude vers 1920), « Madeleine Charnaux, tête au chignon, yeux fermés », 1917, et dont l’une, Cléopâtre Sevastos, grecque, modèle de plusieurs allégories de la sculpture, deviendra son épouse.










