
GALERIES CEYSSON, GB AGENCY, ANNE DE VILLEPOIX, MAUBERT, BIGAIGNON, PARIS-BEIJING, PAPILLON, GAILLARD, MARGARON, BACKSLASH, THESSA HEROLD, DES MULTIPLES, PUTMAN, SEMIOSE, POLARIS, POLKA, THOMAS BERNARD, DEROUILLON, BROLLY, JOUSSE ENTREPRISE, ERIC DUPONT, GOUNOD, Paris, 24 Septembre 2017
Retour sur « un dimanche à la galerie », ou un très bel après-midi dans le Marais parsemé d’intéressantes discussions artistiques avec les galeristes…Ma sélection…
La galerie Ceysson et Bénétière accueille un remarquable ensemble de pièces de l’artiste française Aurélie Pétrel inspirées de l’architecte américain Peter Einsenman. Pétrel a étudié les archives du Centre Canadien d’Architecture et en extrait des œuvres au-delà de la photographie : suspension de coussins d’acier, installations photographiques hybrides. Une recherche moins sur l’espace que sur le trait, des jeux de transparence et de superposition, un travail de déconstruction et de questionnement de l’image, sondant son statut, sa représentation, ses processus de production.
Autre exposition de grande qualité : celle que consacre la GB agency à Hassan Sharif et plus particulièrement à ses sculptures et installations en rapport avec le livre et la langue. La thématique du dictionnaire revient souvent, travaillée à la fois dans sa forme et son contenu : l’artiste évoque notamment son rapport ambigu à l’anglais, langue nécessaire en dépit de la distance que Sharif entretient avec elle. Dans d’autres pièces d’une grande pauvreté, réalisées à partir de matériaux simples (journaux, cartons…), l’artiste développe un travail de répétition, systématique ou mathématique, perturbé parfois par l’introduction d’erreurs et du hasard, opposant la durée du geste à une réalité sociale et économique qu’il rejette.
Née en Pologne et établie en France depuis les années 1980, Teresa Tyszkiewicz, dont le travail est exposé galerie Anne de Villepoix, développe un singulier langage plastique à base d’épingles. « La piqûre, la résistance et l’envie de la surmonter. Les épingles me provoquent, elles induisent de nouvelles propositions. Elles sont douces lors de l’apprivoisement, mais au cours de mon travail, j’ai peur parce qu’elles sont aussi dangereuses et agressives. Ils pourraient symboliser la lutte pour surmonter les obstacles ». Un détournement puissant des pratiques textiles longtemps associées au féminin. Un travail sur le corps, son corps de femme, également, lorsque l’artiste épingle des autoportraits dans certaines toiles. La perforation répétée de la matière renvoie à la violence et à la douleur associée à une certaine forme de plaisir. On distingue parfois des pièces, des fragments rapportés, un chaos organisé par la couture d’épingles.
La galerie Maubert propose une exposition collective, « les paradoxes de Zénon », réflexion sur la vue et le mouvement, avec pour référence « Eupalinos ou l’architecte » de Paul Valéry où Socrate déclare « Je suis mû par la vue ; je suis enrichi d’une image par le mouvement ». Zénon d’Elée, au Ve siècle av JC, interrogeait lui l’être à la fois comme mu et mouvant, devenir et être. S’y distingue particulièrement le travail de l’allemand Joachim Bandau, une série « d’aquarelles noires » de grande qualité où le trait fait naître des architectures, des volumes complexes, où le mouvement semble émerger de l’image fixe tout en se décomposant comme dans la chronophotographie. Une réflexion sur le temps, temps inscrit dans le processus de création qui nécessite parfois plusieurs années de travail de part le séchage et la mise sous presse du papier. Les pièces d’Agnès Geoffray sur les mécanismes de la compréhension et de la perception sont également dignes d’attention. Elles proposent des textes gravés sur verre, disparaissant ou apparaissant avec notre mouvement, l’œil du regardeur étant le lieu physique de l’apparition de l’image.
https://galeriemaubert.com/…/07/Les-Paradoxes-de-Zenon.pdf
Dans « Confine », à la galerie Bigaignon, la photographe italienne Vittoria Gerardi, interroge son expérience tant visuelle que mentale de la Death Valley. Par le recours à des procédés alternatifs, elle met en exergue la violence du paysage. Elle utilise des fragments de négatif pour déployer comme un paysage cicatriciel, un horizon imaginaire entre matière et temps, espace et lumière, à la limite de l’abstraction.
La galerie Paris-Beijing accueille un ensemble conséquent et percutent de photographies et vidéos du chinois Liu Bolin, profondément engagé sur les questions environnementales et pour lequel « l’homme se développe en détruisant son propre environnement ». Entre performance et photographie, l’artiste investit les eaux polluées du fleuve jaune ou disparait dans des amoncellements d’objets de consommation (bouteilles en plastique, écrans d’ordinateur, pots de peinture etc.). Il entend ainsi sensibiliser l’opinion contre la pollution. L’exposition présente également une installation, mosaïque de couleurs quasi abstraite, réalisée à base de filtres à air de voiture, la différence chromatique étant fonction du degré de pollution. La même galerie propose « Rémanences » de Lea Belooussovitch, qui explore nos relations à l’information visuelle. Elle détourne ainsi, dans une série de dessins sur feutre -matière isolante suggérant l’empathie-, des images tragiques diffusées sur Internet ou dans la presse telles qu’une attaque au Pakistan, une fusillade au Bangladesh…En mélangeant les pigments à la fibre textile, l’artiste brouille les formes et frise l’abstraction. Une esthétique de la disparition interrogeant notre attitude à l’égard de la violence.
Le travail de Raphaëlle Peria, présenté à la galerie Papillon, se situe entre sculpture et photographie. A la gouge, au scalpel ou à la fraise, l’artiste révèle, par la perte, une nouvelle image, celle qu’elle garde en mémoire de ses recherches à Ephèse, en 2015. Elle gratte, elle marque, elle efface. Un travail tout en contraste, où la fragilité du matériau se heurte à la brutalité de l’outil, où le réel côtoie l’imaginaire…La ruine. Un paysage sensible, vide, hors du temps, où la nature affronte l’être dévastateur et semble en reconstruction.
La galerie Christophe Gaillard accueille un ensemble de toiles d’Hélène Delprat, actuellement objet d’une exposition de qualité à la Maison Rouge. Un univers des plus singuliers, tout à la fois grinçant et sensible, empli d’auto-dérision et de réflexions sur la mort, nourri d’influences littéraires, mythologiques ou cinématographiques…
La galerie Margaron présente un bel ensemble de pièces de Robert Groborne, pour qui la sculpture n’est qu’une étape d’une recherche qui passe par la gravure, le relief, le dessin, la peinture, la photographie avec des va et vient entre les techniques : ses peintures sont en relief, ses sculptures frontales comme des stèles, ses gravures et dessins créent du volume. Ses œuvres sont de petits monuments en bronze (formes élémentaires, géométriques ou architecturales, arches, stèles…) dont les qualités de la surface, les accidents, les creux et reliefs, les textures et irrégularités, la patine soignée donnent substance. Elles naissent généralement d’un fragment de réel, de rebut, de fragment générant une forme qui va se transformer.
Backslash présente une série de pièces de Clemens Wolf de la série « Parachute objects », toiles ou suspensions réalisées à partir de parachutes vétustes qu’il fixe avec de la résine, dans l’esprit de l’arte povera, jeu de formes -parfois proches de l’organique- et de couleurs, de plis et de replis. Si le matériau renvoie à l’autobiographie de l’artiste, qui pratique activement le parachutisme, il évoque également la gravité et donne naissance à des œuvres abstraites singulières entre peinture, sculpture et dessin.
Flora Moscovici investit la galerie des multiples. Un investissement par la couleur, la couleur comme forme et fond, signifiant et signifié. Le mur se teinte d’une peinture ici diluée et discrète, immatérielle, là éclatante et ardente, ailleurs concrète et matérielle, se confrontant à l’abstraction. Elle s’inspire des expositions précédentes qui ont couverts les murs de la galerie et constituent à présent sa palette. La couleur dessine parfois une forme, un damier au sol.

Mark Tobey_galerie Thessa Herold, Paris_24 septembre 2017 
Guillaume Linard-Osorio_galerie Alain Gutharc, Paris_24 septembre 2017
La galerie Thessa Herold réunit Ung-no Lee, Georges Noël et Mark Tobey –auquel la fondation Peggy Guggenheim de Venise consacre une remarquable exposition monographique- dans une “danse des signes” assez primitive. Des œuvres qui dialoguent dans une même compréhension du rythme des lignes, du langage des signes, donnant naissance à des espaces picturaux singuliers. Dans « courants parallèles », Guillaume Linard-Osorio pratique la déconstruction jusqu’à l’épure, visant une forme de changement d’état, de transposition. Son matériau est ici le polycarbonate -dont les caractéristiques sont la résistance et l’isolation nées du vide-, injecté de résine colorée ; son format : la fenêtre, soit la métaphore même de la peinture, le passage dedans-dehors, idée-matière.
« Collisions », exposition collective proposée par la galerie Catherine Putman, réunit un ensemble de pièces déclinées sous la forme d’un triptyque thématique fondamental : Eros, Thanatos, Hypnos. Des œuvres de Baselitz, Ernst, Pat Andrea, Buraglio, Saura… voisinent et résonnent avec des propositions plus méconnues mais pour certaines remarquables telles que les fusains de Marko Velk ou Frédéric Malette. Des œuvres parfaitement inscrites dans leur temps par leur caractère hybride, métissé, reflétant le flux d’images actuel. Ainsi Marko Velk confronte-t-il l’image de la mort (un crâne, l’homme mort de Manet) à la présence du vivant (organique, végétal, animal) tandis que la réserve de la feuille contraste avec le noir, le détail réaliste avec l’effacement.

Françoise Pétrovitch_galerie Semiose, Paris_24 septembre 2017 
Richard Dumas_galerie Polka, Paris_24 septembre 2017
A voir également, la peinture légère et lumineuse de Françoise Pétrovitch galerie Semiose ; les œuvres sonores, associations fragiles et discrètes de quelques éléments, en retrait mais indéniablement présentes et intimes, spontanées et tout sauf monumentales, demandant au visiteur de s’approcher voir s’allonger au sol, de Rolf Julius galerie Thomas Bernard ; les tableaux de signes et de représentations simplifiées d’Adrien Vermont galerie Polaris, emplis de références artistiques que l’artiste respecte tout en les maltraitant et les questionnant avec humour ; la série « Cars » de l’américain Langdon Clay réalisée dans les années 70, capturant au fil des rues des voitures de profil, la nuit, et quelques portraits de qualité, mémoire de rencontres, de Richard Dumas, galerie Polka etc.























































































