Paris, 1er octobre 2016

La nuit blanche 2016 était très prometteuse. Choisir un ouvrage majeur de la renaissance, « l’Hypnerotomachia Poliphili » ou songe de Poliphile, roman d’amour rédigé en 1467, comme fil directeur, c’était plutôt inédit et exaltant. Toutefois, après un parcours d’une bonne douzaine de kilomètres le long des quais de Seine, de la gare de Lyon jusqu’au Grand Palais, il me semble que le résultat est quelque peu mitigé.
Alicja Kwade, die bewegte leere des moments Pierre Delavie, cote 15 28 l’amour déborde
La nuit blanche semble devenue un évènement plus festif et spectaculaire qu’artistique bien que quelques oeuvres méritassent le détour, telles que « die bewegte leere des moments », d’Alicja Kwade, imposante horloge en mouvement à laquelle une pierre fait contrepoids en un tic-tac entêtant ; « avant la nuit dernière » de Christian Rizzo, vaste disque en rotation faisant apparaître la silhouette d’un homme ; « l’éveil » d’Erwin Olaf, projeté sur l’une des façades de l’Hôtel de ville comme des visages et silhouettes en perpétuelle métamorphose, grimaçant, s’éveillant, s’étirant ; « le sommeil » de Stéphane Thidet, ballet de branchages morts s’animant au-dessus d’un lac de glace, sur le parvis de l’Hôtel de ville ; ou encore « l’amour déborde » de Pierre Delavie, vaste trompe-l’oeil, revanche de la Seine sur l’architecture intérieure de la Conciergerie, submergée ; voire « live stream d’Oliver Beer, installation sonore et lumineuse sur le pont des Arts censée évoquer la vie secrète du fleuve…
Malheureusement, l’implantation de l’incroyable et fascinant vortex d’Anish Kapoor, « Descension », dans la Seine, au bout du square du vert galant, se révèle un échec : rien qu’un effet d’écume sur le fleuve, un léger tourbillon assez peu distinct des vaguelettes consécutives à chaque passage de bateau, rien de la puissance qui se dégageait lors de l’exposition de l’oeuvre à Versailles en 2015.
Oliver Beer, live stream Christian Rizzo, avant la nuit dernière
Par ailleurs, le roman attribué à Francesco Colonna m’a semblé un prétexte discutable à la présentation d’oeuvres très disparates. Certes, quelques unes l’évoquent directement mais ce ne sont pas les plus intéressantes ni les plus porteuses d’émotion esthétique. C’était d’ailleurs sans doute prévisible, l’art a cessé depuis longtemps d’être une « poésie muette », les parallèles entre les oeuvres et le texte sont donc souvent plus contraints que manifestes et si chaque visiteur de cette nuit blanche ressentait probablement un sentiment de quête dans son cheminement à la découverte des oeuvres, en revanche ni l’amour, ni la présence de Poliphile ne planaient au-dessus de lui. Peu importe, cette nuit blanche m’a tout au moins donné envie de relire le songe de Poliphile…
Pour en savoir plus sur l’impact de cet ouvrage sur l’histoire de l’art des jardins :
https://www.facebook.com/samarra.black/posts/10209614825234998



