GALERIE ROPAC, Pantin, Août – Septembre 2018

La galerie Thaddeus Ropac de Pantin propose un ensemble de déclinaisons du motif de la vague. Peintures, sculptures, installations, photographies…Des approches d’une grande diversité, qu’elles soient purement conceptuelles (Valie Export, Weiner), ou chargées d’affect (Barcelo), qu’elles s’appuient sur l’objectivité photographique (Esser) ou s’avèrent totalement transcendées par le style de l’artiste (Kiefer, Deacon, Martin…).
Wolfgang Laib Anselm Kiefer Pat Steir
Représenter la vague, directement ou métaphoriquement, cela revient à tenter de porter le mouvement dans la matière, une forme qui n’a de cesse de se dissoudre, la gageure de figer le flux, le temps sur la toile, un temps qui semble se répéter à l’infini. Certes, la sélection d’artistes proposée peut sembler quelque peu arbitraire étant donné la prégnance du thème dans l’histoire de l’art. On y retrouve par ailleurs des artistes majeurs au côté d’œuvres plus confidentielles (Castoro, Matherly, Steir…). Néanmoins, quelques pièces méritent largement le détour.
L’ensemble de toiles que Miquel Barcelo consacre à une vue familière à ce natif de Majorque, est particulièrement remarquable. Des paysages marins chargés d’humidité dans des tons de bleus et de blanc, de ciel et de mer. Par une touche fluide et sciemment floutée, l’artiste traduit le caractère perpétuellement changeant des éléments. Dans un tout autre style pictural, une toile monumentale de Kiefer, du cycle consacré à un poète futuriste russe, représente un paysage lacustre, vaste étendue d’eau calme et lumineuse se dessinant derrière une barrière d’arbres avec un lit de fer perdu dans leurs branchages. Si l’élément liquide imprègne cette pièce et traduit une perception cyclique du temps récurrente dans l’œuvre de l’artiste, d’autres toiles m’auraient semblé plus pertinentes pour incarner la vague. Ici le mouvement, la violence de la matière, s’est retiré au profit d’une atmosphère chargée de mystère.
Marc Quinn Richard Deacon
Du côté de la sculpture et de l’installation, j’ai relevé « Frozen wave » de Marc Quinn, une imposante forme en acier poli dont la courbe, inspiré d’un coquillage, traduit paradoxalement le mouvement et la légèreté de la vague, et plus encore la délicate installation de Wolfgang Laib, « Passageway », suite de petits bateaux de laiton placés sur des monceaux de riz qui investit le sol de la galerie. S’en dégage une étonnante sensation de fragilité, d’éphémère par le recours à des matériaux périssables, et d’éternité, la répétition dans la variation. L’exposition donne également à voir une pièce de la série « Infinity » de Richard Deacon, qui travaille le concept de « non-forme » par l’association non prédéfinie de divers modules ponctués de vides mais dont le caractère ondulé et la liberté formelle peuvent évoquer une certaine fluidité.
Jason Martin traduit lui aussi une certaine idée de flux à travers un travail formel dans la tradition de la peinture gestuelle tout en débordant le support traditionnel de la toile. Plusieurs panneaux dessinant eux-mêmes un mouvement ondulant sont couverts de traits dont l’alternance de gris et de blancs suggère le reflet, le rythme. A noter par ailleurs, du côté des découvertes, les tondi de l’artiste américaine Pat Steir au trait particulièrement énergique fait de coulures et de projections et qui, tout en flirtant avec l’abstraction, exprime singulièrement la chute ou le reflux de l’eau, le passage du temps.



