Vermeer et les maîtres de la scène de genre

MUSEE DU LOUVRE, Paris, Février-Mai 2017

Vermeer, femme à la balance

En dépit des gros cafouillages organisationnels du Louvre et de l’affluence prévisible, « l’exposition Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » offre un remarquable aperçu de la scène de genre élégante à l’époque du « sphinx de Delft » (selon la formule de Théophile Thoré-Bürger, découvreur de Vermeer à la fin du XIXe siècle). Il s’agit en effet de témoigner des relations entretenues par l’artiste avec les autres grands peintres du siècle d’or hollandais et tout particulièrement Gérard Dou, Gerard ter Borch, Jan Steen, Pieter de Hooch, Gabriel Metsu, Caspar Netscher, Frans van Mieris.

Les parallèles entre des œuvres des différents artistes sur les mêmes thématiques (la pesée, lettres, visites, les huîtres, femme au perroquet, femme à l’instrument de musique, savants etc.), témoignent tout à la fois de rivalités et d’admirations, de reprises (techniques, stylistiques, compositionnelles) et de dépassements. Ainsi, souvent une composition imaginée par Ter Borch est-elle réinventée par Metsu, Netscher, van Mieris ou Jan Steen. Il n’en demeure pas moins que le jeu des comparaisons se fait souvent au profit de Vermeer (une douzaine de toiles présentes dans l’exposition) dont la maîtrise des coloris et l’efficacité des compositions souvent centrées sur un geste en suspens (« la laitière », « la dentelière », « femme à la balance », « jeune femme au collier de perles », « l’astronome » etc.) et la psychologie du personnage, sont incomparables. Une lumière douce d’après-midi ensoleillé, chaude, envahit la plupart de ses toiles, enveloppe les êtres et les choses de mystère et leur donne un éclat, une profondeur, très singuliers.

C’est ce que l’on ressent dès l’entrée de l’exposition en se confrontant à l’admirable « femme à la balance » et bien que le propos de l’exposition n’offre guère de clefs pour saisir cette singularité. Cette même lumière chaude et laiteuse semble le sujet même de la « femme au collier de perles » : le personnage est singulièrement excentré à la droite de la composition tandis que le spectateur est irrésistiblement attiré par la lumière qui baigne le mur qui lui fait face. L’artiste se singularise également lorsqu’il peint par exemple « le géographe » ou « l’astronome » au grand jour, rompant avec les nocturnes de ses prédécesseurs, la lumière diurne symbolisant en quelque sorte le triomphe de la raison.

Toutefois, l’œuvre de Peter de Hooch se détache également de l’ensemble par sa grande maîtrise des jeux perspectifs (les sols carrelés du « couple au perroquet » ou de « la peseuse d’or »), de la représentation d’espaces imbriqués aux trouées lumineuses des plus étudiées ; tandis que l’exposition propose quelques belles pièces de Metsu, van Mieris, ter Borch et van Hoogstraten…

Van Hoogstraten les pantoufles

A noter enfin que le parcours réserve un espace à des peintres plus méconnus, marqués par l’influence de Vermeer, ter Borch, Metsu ou de Hooch : Quiringh van Brekelenkam, Cornelis Bega, Hendrick Sorgh. A voir et revoir mais la réservation n’est pas optionnelle et il faut s’armer de patience devant les œuvres… !

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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