CARREAU DU TEMPLE, Paris, 19 – 21 Octobre 2018
Retour sur les foires d’art contemporain du week-end…/ Acte 4
Parmi les « off » de la FIAC, la Young International Art Fair réunissait une soixantaine de galeries sous la lumière zénithale de sa majestueuse verrière. Malgré une impression d’ensemble plutôt mitigée, quelques propositions méritaient pleinement le détour. Il s’agit principalement, comme lors de la dernière Art Paris Art Fair au Grand Palais, de la galerie parisienne Victor Sfez qui met en regard avant-gardes russes et création contemporaine. Au coeur de l’espace d’exposition, admirablement orchestré, un dialogue entre les « papillons de Kafka », dernière installation -bien que longuement maturée- des Nillni, et les dessins et sculpture de Bertrand Segers. Le papillon se déploie poétiquement sur les cimaises, rendu plus aérien et évanescent par un certain retrait de la couleur de la part de Laura Nillni et le jeu récurrent des calques.
Comme dans « No sé cuantas estrellas », 2016-2017 et « SOL », 2017 (https://www.facebook.com/instantartistique/posts/599073330426418), ce qui surprend et fascine tout à la fois, c’est le jeu de correspondances qui s’établit entre la musique de Ricardo Nillni, qui emplit discrètement mais de manière déterminante l’espace d’exposition, les abstractions de Laura Nillni et le texte. Il ne s’agit pas de Borges, mais de Kafka cette fois. Le texte se répand comme une partition sur les murs, en alternance avec les grilles dessinées. Le papillon s’incarne tout à la fois dans la forme d’ensemble de l’installation et dans celle de chaque élément qui la compose, ponctué de feuillets de calques d’où il émane l’idée du vol, de la légèreté, d’autant que non seulement ils ne sont que partiellement fixés, et donc aucunement figés, mais ils peuvent être librement feuilletés, adoptant alors de nouvelles dispositions. Au jeu des calques répond à nouveau, en format vidéo, celui des glissements d’images et de formes, formes singulièrement plus organiques et végétales qu’abstraites. Ce jeu d’apparition et de disparition, de changements d’échelle, a par ailleurs quelque chose d’onirique. L’occasion enfin de découvrir le travail d’un autre artiste de la galerie dont la forme sculptée, changeante au gré des expositions, pauvre de part son matériau mais méticuleusement agencée et soigneusement finie, s’élance dans l’espace.
Une forme ascendante -« Serpent »- à la courbe délicate qui partage sans rigueur l’espace d’exposition en deux mais suit en revanche, tout comme les dessins de Segers, un protocole bien déterminé : le recours au format 18x24cm, territoire paradoxal de nombreux possibles.
Ont par ailleurs retenu mon attention le travail de Vincent Descotils, « les sentinelles », une très belle série de tondi photographiques chargés de mystère et de mélancolie, déjà remarquée lors de la dernière Fotofever (https://www.facebook.com/instantartistique/posts/526789390988146), présenté par la galerie Courcelles Art contemporain ; les patchworks du duo d’artistes franco-allemands KRM (Cherif et Geza) dont l’oeuvre a pris forme sur le mur de Berlin au début des années 2000 et qui, marqués depuis par le désert marocain, évoluent de l’art urbain à l’assemblage de khaimas (toiles des nomades) ponctués de signes et témoignant d’une belle maîtrise de la composition ; une très belle pièce de Sadaharu Horio, artiste japonais du mouvement Gutaï ou encore les photographies de Frederik Buyckx et Pierre Vogel.
KRM Frederik Buyckx Sadaharu Horio
El Lissitzky, galerie V Sfez Atmosphères#6 2017, Pierre Vogel, galerie Goutal